Balades lexicales francophones

Patricia Robert, née en Suisse, qui grandit en Belgique et part à 29 ans vivre au Canada, accepte de répondre à nos interrogations sur l'usage de la langue française dans ces trois pays. Merci, Patricia, d'avoir bien voulu prendre part à notre projet, de nous avoir donné un peu de ton temps et surtout de cette jolie balade lexicale !

QUESTION 1

Est-ce qu'il y a beaucoup de dépanneurs ouverts quand il y a de la poudrerie ? Sont-ils très fréquentés par les jeunes ou les employés après le travail ? Est-ce que vous pensez qu'un dépanneur pourrait avoir le même succès dans un pays européen ou africain ?

Oui, les dépanneurs sont ouverts quand il y a de la poudrerie, je dirais même qu'ils sont principalement ouverts à ce moment-là puisque comme le nom l'indique, ce sont de petits magasins qui servent à dépanner les gens. Quand on a un pépin et les magasins d'alimentation sont fermés, on se rend chez le dépanneur pour acheter un pain ou tout autre article nécessaire à ce moment-là. Pour qu'un dépanneur ferme ses portes, il faut qu'il y ait quelque chose d’extrêmement grave. Même pendant les jours fériés, le dépanneur est ouvert et l'on s'y rend pour acheter ce dont on a  besoin. Il est souvent fréquenté par les jeunes, et moins par les employés. Quand c'est l'été, les jeunes vont aller chez le dépanneur pour chercher leur slosh, boisson avec de la glace pillée et du sirop. Ils se retrouvent autour de cette boisson devant le dépanneur, devenu ainsi point de rendez-vous. C'est difficile à dire si le dépanneur aurait le même succès en Europe. Il y existe déjà des petits magasins qui sont ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et qui portent d'autres noms. De même, je ne suis pas tout à fait sûre qu'au Qatar, le dépanneur fonctionnerait. Un dépanneur c'est vraiment un magasin qui va dépanner les gens quand les autres magasins sont fermés. Or, ici, les magasins ferment très tard, voire certains magasins sont déjà ouverts 24 heures sur 24. Aussi, des tempêtes de neige, de grand froid il n'y en a pas ici. Au Québec, on se rend chez le dépanneur à pied, tandis qu'au Qatar, on ne peut pas le faire. 


QUESTION 2

Pensez-vous que les lumerottes ont la même popularité et sont tout aussi rigolotes pour les francophones qu'elles le sont pour les anglophones ? Sont-elles utilisées à d'autres moments que pour Halloween ?

RÉPONSE 2

Contrairement à Halloween, qui est une fête

internationale, les lumerottes sont très populaires dans une région spécifique de la Belgique, dans la province du Hainaut, et au nord de la France, du côté de Lille. C'est une tradition plutôt folklorique qui permet aux amis, aux familles de se retrouver, de se rassembler et de créer de petites lumières pas très amusantes, mais surtout très effrayantes, en prenant beaucoup de plaisir. Cette pratique est reliée à la fête des morts, la Toussaint, célébrée aux alentours de Halloween. Dans le temps, on plaçait les petites bougies sur les tombes des défunts ou à des endroits un petit peu lugubres pour effrayer les gens un peu sensibles.


QUESTION 3

Avez-vous un souvenir lié à l'utilisation d'un mot qui avait un sens différent dans le pays où vous étiez ?

RÉPONSE 3

J'ai plusieurs exemples qui me viennent à l'esprit. Si vous êtes en Belgique et vous demandez un torchon, on vous donnera la serpillère. En France, le torchon est le petit linge qui sert à essuyer la vaisselle. Un autre exemple : en Belgique, quand vous parlez des vidanges, c'est pour désigner les bouteilles en plastique ou verre que vous devez ramener au magasin parce que vous avez payé une consigne sur ces bouteilles-là. Au Québec, les vidanges sont les poubelles. Toujours au Québec, le coffre de la voiture s'appelle également une valise. Cela surprend à chaque fois quand on vous demande de mettre les sacs dans la valise, dans la valise de la voiture. Le Québécois lorsqu'il caresse un chien, il le flatte, ou encore, quand il parle du cartable, il désigne le classeur, tandis que dans la plupart des autres pays francophones, ce mot est employé pour nommer le sac d'école. Le mot cabaret aussi connaît un sens enrichi au Québec. En plus de désigner l'endroit où se déroulent des spectacles, il est utilisé dans les restaurants self-service pour le plateau que l'on prend pour se servir soi-même. Une dernière expression : quand au Québec, vous dites " c'est écœurant ", vous voulez dire " c'est génial ". L'expression a donc un sens positif, contrairement aux autres pays francophones où elle a une connotation négative.


QUESTION 4

Avez-vous un mot préféré spécifique au français parlé soit en Belgique, soit en Suisse, soit au Canada ?

RÉPONSE 4

Pourquoi choisir un seul mot pour les trois pays ? Je répondrai en donnant un exemple de mot utilisé dans chacun de ces trois pays.

En Suisse, un mot que je trouve très amusant et que j'aime beaucoup c'est le verbe pétouiller, " traîner, avancer très lentement ". Par exemple, on dira à un enfant : " Arrête de pétouiller, nous serons en retard ! ", ou bien " Ça pétouille sur l’autoroute aujourd'hui ". La personne qui pétouille est un pétouillon, mot que j'ai toujours trouvé un petit peu comique.

En français parlé en Belgique, plus précisément à Bruxelles, il existe un mot que j'aime beaucoup, broubeler, " avoir des difficultés à s'exprimer, à énoncer clairement son idée ". On dira à quelqu'un : " Qu'est-ce que tu broubelles, on ne comprends rien ! ".

Au Québec, un mot que j'aime bien est bébelles, " petits gadgets, petits objets inutiles, stupides que l'on peut trouver dans les magasins ". Par exemple, quand je vais au magasin avec ma fille, si elle veut s'acheter une petite bêtise, je lui dirais : " Ah, non, pas de bébelles aujourd'hui ! ".

A part ces trois mots, je pourrai vous en partager encore un ou deux. En Suisse, on utilise le verbe cocoler, " choyer, dorloter ". Quelqu'un qui ne va pas bien a envie de se faire cocoler, d'être consolé. Au Québec, il y a le mot patante, " un truc, un machin ", utilisé un peu à toutes les sauces. On dira patante à gâteaux pour " le moule à gâteaux ", ou patante à cheveux pour " le sèche cheveux ". C'est un mot que j'utilise presque de façon automatique. En Belgique, un mot que je trouve très joli peut-être parce que je l'ai beaucoup entendu chez ma grand-mère, est le cramique, " le pain au raisin ", ou encore l'expression " il fait caillant ", " il fait très froid ".